dimanche 17 janvier 2010

Ce blog

Après une conversation lors de laquelle je n'ai pas réussi à rester sereine, je désire livrer quelques réflexions au sujet de ce blog. Il ne s'agit pas de justifier ma démarche, mais de prendre un tout petit peu de recul et y réfléchir.

Ce blog se veut en mémoire de Tal. Il s'agit avant tout des chapitres qui retracent sa courte existence. Ces chapitres ont été écrits dans l'urgence, pendant la première année après sa mort. Ils n'ont aucune prétention littéraire et comportent des maladresses, par contre ils se veulent le plus honnêtes possible.

Ce blog me permet de rester en contact avec mon enfant. Il participe intégralement à mon processus de deuil. Il devrait m'aider à comprendre, à donner un sens au geste mystérieux de mon fils.

Ce blog s'adresse à ceux qui ont connu et aimé Tal, mais également à ceux qui s'intéressent au phénomène du suicide. Chacun est libre de le lire ou non, d'ailleurs mes lecteurs sont peu nombreux.

Ce blog avait l'ambition d'atteindre d'autres parents et proches survivants à un suicide. Il désirait leur signaler qu'ils ne sont pas seuls, que leur sentiment de culpabilité est tout relatif. Je rappelle les paroles du docteur Konrad Michel: "Chacun(e) peut être touché(e)".

Ce blog voulait également contribuer à la prévention du suicide. Mais à ce sujet, je ne me fais plus d'illusions.

Ce blog dénonce certains dysfonctionnements de notre environnement complexe: par exemple, le fait de prescrire trop facilement des médicaments pour renflouer les caisses des laboratoires pharmaceutiques, ou le manque de communication et la pression exercés par les milieux scolaires (ou professionnels).

Ce blog m'expose évidemment, il me livre aux critiques même si elles ne s'expriment que trop rarement. Au lieu d'ouvrir un dialogue, il m'isole en fin de compte encore un peu plus. En fait, il a l'effet inverse de ce que j'aurais souhaité.

Enfin, ce blog, je le continuerai malgré tout. J'irai donc jusqu'au bout de mon entreprise.

3 commentaires:

  1. Chère Isabel,

    tu dis que le thème ton blog t'isole alors que tu aurais voulu le contraire, élargir ou entretenir un échange entre personnes sensibles au drame que toi et ta famille avez vécu et qui ont aimé Tal. Un peu plus haut, tu expliques que ce blog te permet de maintenir le contact avec ton fils aîné, dans une démarche thérapeutique, afin de "faire ton deuil" et de tenter de comprendre son geste. Je crois que tu tiens là l'explication de cet isolement que tu regrettes: Tal était ton fils et il s'est suicidé. Pour moi et pour tous ceux qui ont connu et apprécié Tal, il était un jeune homme certes magnifique avec lequel discuter était un défi, avec lequel rire représentait des moments de légèreté surprenants chez ce garçon si réfléchi et qui resteront toujours gravés dans nos mémoires, mais il n'était pas notre enfant. Et si son suicide nous a horrifié, transpercé de peur à l'idée que l'un des nôtres pourrait nous faire la même chose un jour, il nous a surtout fait ressentir l'urgence de la vie. J'ai d'abord pensé à toi, sa mère, à son père et à son frère, qui alliez devoir vivre avec son absence. Tal n'est plus vivant pour moi que dans les merveilleux souvenirs qu'il m'a laissés et dans la rage confuse que j'éprouve parfois lorsque je vois la douleur qu'il vous a infligé, une douleur qui ne semble pas s'atténuer chez toi et que ton projet blog cherche à canaliser.
    Pour moi, le suicide de Tal restera, comme pratiquement tous les suicides, un geste mystérieux, comme tu le dis toi-même. Nul, sauf Tal et encore, car je crois qu'il devait lui aussi se sentir perdu dans des sentiments contradictoires, ne peut aujourd'hui expliquer son geste. En lisant ton blog, j'ai l'impression ou peur d'avoir l'impression que cette cette démarche va t'aspirer dans une quête impossible. Peut-être est-ce ce que d'autres visiteurs de ton blog ont ressenti et n'ont pas voulu te dire, par peur de te faire du mal. Je ne crois pas que tu as peu de lecteurs mais tu nous intimide, nous gêne, nous énerve, nous rappelle que nous avons la chance d'avoir tous nos enfants avec nous, bref, tu mets le suicide d'un enfant au milieu de notre quotidien.
    J'espère que je ne te heurte pas. Sinon,chapeau de t'être lancée dans cette aventure.
    A binetôt, Annika

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  2. Hello Annika,

    J'ignorais que tu lisais le blog, alors d'abord sois la bienvenue!
    Non, tes remarques ne me heurtent pas: mettre un mort dans le quotidien de mes amis, je n'avais pas pensé à cette formule. Mais toi qui a la chance d'avoir tes enfants en vie, sache que pour la mère que je suis, le sentiment de l'oubli est presque aussi grave et insupportable que la perte et le geste du suicide. Le blog est donc également une manière de ressusciter Tal.
    Rassure-toi, l'entreprise du blog aura une fin que je repousse avec des intermèdes et autres types d'interventions. La fin de ma quête est donc programmée, par contre la douleur d'avoir perdu Tal demeurera certainement pour toujours.

    L'isolation sociale est une autre vérité que je vis depuis la disparition de Tal. Je ne parle même pas des soi-disant amis qui se sont détournés de nous: nous ne sommes plus tout à fait fréquentables. Je parle également de mon sentiment d'être en permanence marginalisée, de ne plus faire partie des gens "normaux". Avec le blog, je visais peut-être naïvement une certaine reconnaissance tout en étant consciente que mon entreprise ne ferait évidemment pas l'unanimité.
    J'espérais donc des signes, des commentaires. En m'écrivant, tu as fait ce que je souhaitais, tu m'as signalé que j'existais, que même si elle te dérange, tu entendais ma souffrance et pour cela je te remercie. Enfin, pour être tout à fait honnête certaines personnes l'ont fait hors de ce blog, un grand merci à elles également.

    Meilleurs salutations

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  3. Zut, je voulais parler d'isolement social et non pas d'isolation thermique :-(

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