vendredi 26 février 2010

Post Tal IV


Six mois après la mort de Tal, les médias commencent à débattre du Roaccutan, ce médicament contre l'acné que notre enfant avait pris pendant presque une année scolaire. Il serait effectivement à l'origine de suicides inexpliqués et soudains. Les témoignages commencent à affluer de toute la Suisse alors que la controverse a débuté aux USA avec le décès subit du fils d'un sénateur à Washington DC, Bart Stupak. Depuis peu, le médicament met en garde: "L'isotrétinoïne a été associée à des tendances dépressives, avec risque d'idées suicidaires, de tentatives de suicide et de suicide. Nul ne connaît le mécanisme d'action pouvant expliquer ces effets secondaires". Ce médicament semble modifier la zone frontale du cerveau, là où se trouvent les émotions. Ces modifications s'effectueraient sur le long terme, ce qui permettrait de mettre en lien le suicide de Tal et la prise du médicament. Le fils de Heinz Weick, qui a testé le médicament en 1981, s'est suicidé en 1987. Le pire dans toute cette affaire macabre, c'est le fait que notre fils cadet a également fait une cure complète avec un générique du Roaccutan, l'Isotrétinoïne-mepha: est-ce que nous avons condamné notre deuxième enfant également? J'en hurle de douleur.

A cette période, une amie israélienne, enseignante, nous signale le cas d'un père israélien qui, après le suicide de son fils, est entré en guerre contre Internet. Après avoir découvert que des pages entières, des sites de "chat" auxquels accèdent les ados sont consacrés au suicide, contiennent des conseils et encouragements pour le passage à l'acte, il fait un travail de prévention au sein des écoles et a réalisé un logiciel qui empêche d'accéder à ces pages. A Pâques, lors de notre voyage en Israël, j'essaierai de me mettre en contact avec lui. Tal avait lui aussi consulté Internet avant de commettre son geste fatal. Il y avait trouvé toutes les informations nécessaires pour organiser sa pendaison. Moi-même, j'ai appris sur Internet que la mort par la corde s'effectue en trente secondes, trente minuscules secondes de souffrance extrême pour venir à bout d'une existence précieuse: une des difficultés du deuil après un suicide, c'est que le cerveau du survivant revit sans cesse les images traumatiques! Si nous ne protégeons pas nos jeunes dans notre monde occidental complexe, nous irons inéluctablement à notre perte. Deux mois après cette remarque, la France entière s'émeut de la tentative de suicide simultanée de deux adolescentes corses qui ont vraisemblablement participé à un réseau de "chat" encourageant le passage à l'acte.

Sept mois après, l'orchestre dans lequel Tal jouait, l'Harmonie de notre commune, a nommé Tal membre d'honneur:
"Tal K., ce jeune percussionniste décédé tragiquement l’automne dernier, a été nommé membre d’honneur à titre posthume, car il a beaucoup apporté à l’Harmonie par son dynamisme, son enthousiasme et son talent. D’ailleurs, le concert annuel de ce printemps lui sera dédié."
Extrêmement touchée par cet hommage que l'orchestre a voulu rendre à notre fils et frère, j'ai trouvé nécessaire de prendre la parole en public lors du concert. Quand j'irai mieux, j'ai l'intention d'œuvrer pour la prévention du suicide. C'était ma première occasion de m'exprimer, faisant fi des qu'en-dira-t-on.

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