samedi 6 février 2010

Intermède II

Une nouvelle digression suite à mes propos concernant l'écrivain israélien David Grossman qui a perdu son fils en été 2006.

Début juin 2008, moins de deux ans après la mort de Tal et de Ouri, un peu plus d'un mois après la naissance de nos jumeaux, le facteur a sonné à notre porte pour nous apporter un colis en provenance d'Israël. Curieuse, je me suis empressée de l'ouvrir et y ai découvert le dernier roman de Grossman: Isha borakhat mibsorah (littéralement: Une femme fuit son destin). En le feuilletant, j'y ai découvert une dédicace:
"LéEwel véléYoav béyédidout. Béshoutfout ewel vésimkha al hayesh. (Vémazal tov léhouledet hatéoumim!) mi David Grossman"
Je traduis maladroitement: "A Ewel et Yoav avec amitié. Partageant le deuil et la joie pour ce qui est. (Et félicitations pour la naissance des jumeaux) De David Grossman"
C'était un cadeau extraordinaire, incroyable. Évidemment, David Grossman ignore tout de mes chapitres sur la vie de Tal, du fait que je parle de lui, de sa perte terrible. De plus, nous ne nous sommes jamais rencontrés. Alors comment une telle coïncidence était possible?

En fait, l'explication est simple. Une de mes amies en Israël est la traductrice attitrée de Grossman de l'hébreu en italien. Elle lui a parlé de nous et c'est par son intermédiaire que le livre nous est parvenu. Y. a lu le roman et l'a trouvé bouleversant, difficile. Quant à moi, les 637 pages en hébreu me découragent. A ma connaissance, le livre n'a pas encore été traduit en français. J'attendrai donc soit sa parution, soit ma retraite...

2 commentaires:

  1. Une autre digression d'ordre littéraire...
    Attirée par un article dans Paris-Match sur le suicide récent de Kristina Rady, je lis qu'elle avait traduit le poète hongrois Attila Joszef qui s'est suicidé à l'âge de 32 ans en se jetant sous un train.
    Cela ne pouvait qu'attiser ma curiosité, vous vous en doutez bien !
    Ce matin, j'apprends sur internet qu'il souffrait de schizophrénie. Encore un fil ténu qui relie des destins singuliers...
    Et je trouve ce poème que j'ai envie de faire partager :

    M'entends-tu ? Me voici

    Abandonné gisant ainsi

    J'étais le Christ : je suis à terre

    je meurs narcisse solitaire



    Voici le train

    il vient de loin.

    Tout à coup semble éclore,

    en un plus bel éclat que celui de l'aurore

    l'instant festif, fringant comme un beau destrier

    Œil rouge inscrit pour moi dans le calendrier

    Ni vapeur ni brume ne le nourrit, mais l'amertume...(vers 1925?) (traduction Georges Kassai édition Phébus)
    Et ces deux autres lignes écrites vers l'âge de 20 ans aussi:
    Demain je me réveillerai assassiné,
    par ma propre main, de désespoir.

    Mon esprit se refuse à imaginer les derniers instants de mon fils qui, après plusieurs tentatives ratées, a fini par choisir le même moyen. L'issue était assurée, il le savait.
    Je ne peux pas me confronter à cette horreur.
    Et je réalise que malgré tout, je l'ai toujours imaginé debout face au train, jamais gisant comme ce poète.
    J'ai lu qu' Attila Jozsef avait laissé un livre de poèmes de Victor Hugo ouvert. Clément avait choisi d'écouter sur internet la Chanson de l'Auvergnat de Georges Brassens avant de se diriger vers la gare.

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  2. En lisant votre message, je m'interroge une fois de plus: est-ce que Tal a succombé lui aussi à une grave maladie mentale qui l'a brusquement assailli pendant le dernier été de sa vie. Réservé, il l'avait toujours été, mais il s'était complètement fermé sur lui-même après son retour d'extra-muros. Puis, à la rentrée scolaire, il n'a plus trouvé d'intérêt dans ses études. Privé peut-être de ses facultés mentales habituelles, souffrant de cette détérioration pour laquelle il n'avait pas d'explications, il aurait décidé d'en finir très rapidement...
    Ce ne sont évidemment que des spéculations.

    Après un traumatisme comme le nôtre, il paraît qu'il est normal de revivre mentalement encore et encore les derniers instants de nos fils. J'essaie de m'empêcher d'y penser, la vision du suicide de mon enfant m'est insupportable. Elle s'impose à moi contre mon gré.

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