jeudi 25 février 2010

Post Tal III


Quatre mois après, nous nous rendons pour la quatrième fois en famille au Centre d'Etude et de Prévention contre le Suicide. Entre temps, j'ai lu le livre de la directrice, Madame Maja Perret-Catipovic, Le Suicide des jeunes, comprendre, accompagner, prévenir. Après ce que nous avons vécu, l'essai n'apporte plus beaucoup de nouveaux éléments. Avec un objectif de prévention, l'auteur tente d'enlever au suicide toute connotation romantique ou attractive. Elle y rappelle qu'"on confond souvent causes, facteurs de risque et facteurs déclenchants"1, qu'au lieu de chercher une cause unique, il faudrait "examiner le vase lui-même, de quoi il est constitué, quelle est sa forme, sa taille, sa solidité, sa résistance aux chocs"2, en d'autres mots, quels sont l'environnement, la famille, l'origine et le bagage génétique d'un individu. Tal cachait sa fragilité extrême, mais il aura fallu un facteur déclencheur pour qu'il passe à l'acte: la lettre de menace de son école et les nombreuses exigences la même semaine. Comme le remarquait un ami, ce n'est pas parce qu'un élève est doué qu'il est invulnérable, surhumain! Je m'interroge. Peut-on prouver une culpabilité, un homicide involontaire, une non-assistance à personne en danger? Est-ce que le chauffard qui a tué un jeune conducteur inexpérimenté qui s'est engagé pour la première fois sur une route réputée dangereuse est responsable de l'accident? Pourra-t-il être jugé pour déterminer son niveau de responsabilité? Est-ce que le dealer qui a vendu de la camelote frelatée à un toxicomane en manque peut être tenu pour responsable dans le cas d'une overdose? Je pense que oui. Dans le seul cas de mon fils, personne n'est responsable. Toutefois le tribunal de la vie a reconnu ma propre culpabilité de n'avoir pas su assister mon enfant en danger. J'ai été jugée et condamnée à perpétuité. A vrai dire, j'aurais préféré la peine de mort.

En février, Monsieur Charles Beer, le président du Département d'Instruction Publique (DIP), qui a accepté de nous recevoir, m'envoie un courrier pour me proposer une nouvelle entrevue. Non seulement, Yaïr et moi-même avons été impressionnés par la qualité de l'écoute et la bienveillance du Conseiller d'État, mais en plus, son compte rendu restitue parfaitement notre entretien. Ainsi, Monsieur Beer y conclut:
"La situation de Tal révèle plusieurs problématiques:
1)Le diagnostic des enfants surdoués, la prise en charge qui leur est offerte et leur suivi. Diagnostiquer la surdouance est assez difficile, identifier la dépression également. Le DIP est assez précautionneux et ne veut pas créer des classes spéciales. Pour le moment, il offre uniquement la possibilité de sauter une année ou d'effectuer des extra-muros.
2)L'accès à la maturité bilingue.
3)Le rôle du TM et le suivi offert à l'élève: le point va être fait avec le lycée de Tal. Il est étonnant que l'on puisse refuser sa maturité à un élève dont la moyenne est de 5,7.
4)Le manque d'informations des parents, lorsque l'élève a atteint la majorité. Il n'est pas normal que des parents soient privés de toute information de la part de l'école du fait de la majorité de leur enfant."

Nous espérons que le cas de notre fils jouera le rôle de précédent et fera prendre conscience aux écoles qu'elles ne peuvent pas seulement exercer de la pression, prendre des mesures disciplinaires, envoyer des lettres de menace sans avoir eu au préalable des entretiens sérieux avec l'élève concerné, sans en informer les parents d'un élève mineur et pourquoi pas, majeur. En fait, l'enquête de Monsieur Beer au sein de l'école de Tal n'aura pas eu l'impact escompté. Il se sera renseigné sur la personnalité de notre fils qui lui a été décrite en termes élogieux: il aurait été un roc, une référence pour les autres élèves, un point fort et personne n'avait pu imaginer un seul instant sa détresse. Ces paroles ne constituent plus un réconfort. En revanche, Monsieur Beer va œuvrer pour les enfants surdoués; il a déjà pris contact avec le Service médico-pédagogique, envisage une meilleure formation des enseignants et une prise en charge au sein de l'école des enfants "aux besoins spéciaux" (surdoués, mais également dyslexiques, hyperactifs etc.). A la même époque, nous recevons de la publicité: une école privée pour "enfants à haut potentiel intellectuel" ouvre ses portes. Pour nous, tout arrive trop tard.

1 Maja Perret-Catipovic, Le suicide des jeunes, Comprendre, accompagner, prévenir, Éditions Saint-Augustin, 2004, p.49.
2 Ibid., p. 50

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