A mes quelques lecteurs et amis, je ne voulais exprimer rien de plus que les vœux de saison.
Or, je viens de tomber sur un "flyer" annonçant deux pièces d'Édouard Levé: Autoportrait et Suicide jouées au théâtre du Grütli du 12 au 24 janvier 2010. Je cite: "l'adaptation au théâtre de deux textes singuliers d'Édouard Levé, auteur lucide, drôle et tranchant, suicidé en 2007."
Et dans le dossier pédagogique, je trouve: "Quelques jours avant sa mort, [Édouard Levé] avait remis à son éditeur [...] un manuscrit intitulé Suicide. [...] A travers ces deux derniers textes, l'auteur photographe adopte un style extrêmement net, sans affect, d'une grande limpidité. Avec la précision d'un documentariste, une grande dose d'autodérision et un humour certain - mais aussi une grande angoisse sous-jacente - il parvient à faire le portrait d'un homme dont le dernier acte (se donner la mort) éclaire et transcende toute l'œuvre, sans l'assombrir."
Ce genre de propos me révolte, alors que je n'ai aucune connaissance des textes. Cette fascination du suicide comme la fin possible d'une grande œuvre d'art est malsaine, écœurante. Elle peut créer des dérives aussi bien chez les artistes que dans les esprits exacerbés de certains adolescents ou jeunes adultes. Je pense en particulier à Thomas, ce Neuchâtelois de 22 ans qui a raconté son mal de vivre devant une caméra avant de se donner la mort. (Emission Infrarouge du 14 octobre 2009) D'après mon souvenir, il disait que son geste terrible était beau, que les pleurs de sa mère y ajoutaient du pathos. Installée devant mon écran de TV, j'avais envie de le gifler.
Je ne peux que dire, répéter, écrire encore encore: pour ceux qui restent, un suicide n'a rien d'humoristique, d'artistique, de beau ou de transcendantal. Il n'engendre que tristesse, souffrance, désespoir et difficultés de vivre extrêmes.
Sur ce coup de gueule, je souhaite à tous et à toutes de belles vacances reposantes et réparatrices.
A 2010!
En commandant sur internet cet ouvrage d'Edouard Levé dont je n'avais jamais entendu parler, j'ai relevé cette citation qui me paraît correspondre parfaitement au vécu de mon fils : "Cet égoïsme de ton suicide te déplaisait. Mais, dans la balance, l'accalmie de ta mort l'emporta sur l'agitation douloureuse de ta vie".
RépondreSupprimerJe n'ai jamais pensé que le suicide soit un acte égoïste. La souffrance qui y conduit emporte tout et dépasse toute morale.
Dans le reportage d'Infrarouge, Tabou, je ne me souviens pas de la fascination pour le suicide de ce jeune homme suisse mais essentiellement de son profond mal-être, de sa souffrance psychique qu'il est si difficile pour les autres d'appréhender. Nous avons été les témoins impuissants de celle de notre fils pendant des années, et j'ai reconnu sa douleur. Quant à celle des survivants, vous en avez tout dit.
Toute la problématique se situe là: on ne peut effectivement jamais généraliser, surtout pas en ce qui concerne le suicide. Il y a probablement autant de suicides différents qu'il y a de personnalités différentes. Votre fils est parti après des mois ou années de souffrance et d'égarement. Notre fils est parti dans un moment d'intenses souffrance et d'égarement. Bien que j'essaie à travers le récit de la vie de Tal de comprendre ce qui a pu le pousser à commettre le pire.
RépondreSupprimerQuant au texte d'Édouard Levé, je n'ai pas lu l'original et je m'insurge au sujet du commentaire sur le flyer et dans le dossier pédagogique.
Je trouve intéressant nos différentes perceptions de Thomas: je me rappelle surtout le sourire du jeune homme qui accompagnait ses paroles au sujet de la "terrible beauté du suicide", ainsi que les commentaires de ses proches qui ont rapporté que lors de l'acte du suicide - qu'il avait également filmé, mais qui n'a pas été montré - Thomas paraissait regretter son geste et appelait sa mère à l'aide.