vendredi 15 janvier 2010

Intermède

Aujourd'hui, je propose le célèbre poème de Goethe que mon père nous récitait parfois lorsque nous étions enfants et qui me bouleversait alors jusqu'aux larmes.

Der Erlkönig, Johann Wolfgang Goethe

Wer reitet so spät durch Nacht und Wind ?
Es ist der Vater mit seinem Kind ;
Er hat den Knaben wohl in dem Arm,
Er faßt ihn sicher, er hält ihn warm.

Mein Sohn, was birgst du so bang dein Gesicht ?
Siehst Vater, du den Erlkönig nicht ?
Den Erlenkönig mit Kron und Schweif ?
Mein Sohn, es ist ein Nebelstreif.

"Du liebes Kind, komm, geh mit mir !
Gar schöne Spiele spiel ich mit dir ;
Manch bunte Blumen sind an dem Strand,
Meine Mutter hat manch gülden Gewand."

Mein Vater, mein Vater, und hörest du nicht,
Was Erlenkönig mir leise verspricht ?
Sei ruhig, bleibe ruhig, mein Kind !
In dürren Blättern säuselt der Wind.

"Willst, feiner Knabe, du mit mir gehn ?
Meine Töchter sollen dich warten schön ;
Meine Töchter führen den nächtlichen Reihn
Und wiegen und tanzen und singen dich ein."

Mein Vater, mein Vater, und siehst du nicht dort
Erlkönigs Töchter am düstern Ort ?
Mein Sohn, mein Sohn, ich seh es genau :
Es scheinen die alten Weiden so grau.

"Ich liebe dich, mich reizt deine schöne Gestalt ;
Und bist du nicht willig, so brauch ich Gewalt."
Mein Vater, mein Vater, jetzt faßt er mich an !
Erlkönig hat mir ein Leids getan !

Dem Vater grauset's, er reitet geschwind,
Er hält in den Armen das ächzende Kind,
Erreicht den Hof mit Mühe und Not ;
In seinen Armen das Kind war tot.

Malheureusement la traduction française ne parvient pas à rendre l'intensité tragique du texte allemand:

Le Roi des Aulnes

Quel est ce cavalier qui file si tard dans la nuit et le vent ?
C'est le père avec son enfant ;
Il serre le jeune garçon dans son bras,
Il le serre bien, il lui tient chaud.

Mon fils, pourquoi caches-tu avec tant d'effroi ton visage ?
Père, ne vois-tu pas le Roi des Aulnes ?
Le Roi des Aulnes avec sa traîne et sa couronne ?
Mon fils, c'est un banc de brouillard.

"Cher enfant, viens donc avec moi !
Je jouerai à de très beaux jeux avec toi,
Il y a de nombreuses fleurs de toutes les couleurs sur le rivage,
Et ma mère possède de nombreux habits d'or."

Mon père, mon père, et n'entends-tu pas,
Ce que le Roi des Aulnes me promet à voix basse ?
Sois calme, reste calme, mon enfant !
C'est le vent qui murmure dans les feuilles mortes.

"Veux-tu, gentil garçon, venir avec moi ?
Mes filles s'occuperont bien de toi
Mes filles mèneront la ronde toute la nuit,
Elles te berceront de leurs chants et de leurs danses."

Mon père, mon père, ne vois-tu pas là-bas
Les filles du Roi des Aulnes dans ce lieu sombre ?
Mon fils, mon fils, je vois bien :
Ce sont les vieux saules qui paraissent si gris.

"Je t'aime, ton joli visage me charme,
Et si tu ne veux pas, j'utiliserai la force."
Mon père, mon père, maintenant il m'empoigne !
Le Roi des Aulnes m'a fait mal !

Le père frissonne d'horreur, il galope à vive allure,
Il tient dans ses bras l'enfant gémissant,
Il arrive à grand peine à son port ;
Dans ses bras l'enfant était mort.

2 commentaires:

  1. Quelle coïncidence ! Mon mari ne parle pas allemand, mais la seule chose qu'il ait retenue de ses deux années d'apprentissage de cette langue au collège, c'est le début de ce poème. Et à plusieurs reprises, lors de repas en famille, il a fait étalage avec ironie de sa connaissance réduite en récitant les deux premiers vers avec emphase.
    Cela amusait toujours beaucoup notre fils qui très vite les a mémorisés aussi. C'était une façon de tourner en dérision l'enseignement des langues en France : mon mari aurait préféré être capable de s'exprimer dans la vie quotidienne, ces deux vers étant difficiles à exploiter lors d'un voyage !
    Je garde un souvenir heureux de ces moments de connivence entre mon mari et mon fils.
    Ils ont sans conteste partagé la tendresse exprimée dans la première strophe.
    J'avais tout oublié de ce poème (hormis les deux premiers vers !). Et j'ai été saisie en en lisant la fin.
    Mon mari aussi a serré notre fils dans ses bras, il a toujours été un très bon père, un père aimant. C'était pour moi un bonheur de voir comme ils étaient bien ensemble.
    Il a toujours été d'une grande disponibilité pour lui. Quand Clément a commencé à aller mal, il s'est toujours tenu à ses côtés. Comme le père du poème, il a tenté de le raisonner. Mais, pas plus que lui, il n'a pu l'arracher à ses démons, à son désir de mourir. Le Roi des Aulnes pour Clément, ça a été la mélancolie ou la schizophrénie.
    Les bras de mon mari sont vides désormais. Et sa souffrance est immense.

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  2. Chère Patricia,

    Je tarde un peu à vous répondre. Lorsque j'ai commencé à écrire l'histoire de Tal, le "Roi des Aulnes" - on aurait dû traduire par le "roi des elfes" - s'est tout de suite imposé à moi, mais je ne savais pas comment l'intégrer dans mon livre. Dans un blog, on a beaucoup plus de libertés.
    Ce poème est celui des parents endeuillés, il chante leur impuissance à sauver l'enfant aimé. Goethe l'a écrit à une époque où les décès des enfants étaient fréquents, où les pères avaient un lien moins étroit avec leur progéniture. Il est donc probable qu'il cherchait à exprimer autre chose, comme par exemple la communication impossible entre un esprit raisonnable et un esprit romantique. Toutefois, je continue à apprécier ce poème au premier degré, comme lorsque j'étais petite fille.

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