Dix mois après, je dois me préparer à l'imminence de mon anniversaire. L'année passée, nous l'avons fêté tous les quatre au restaurant dans un petit port de la Grande Canarie. La serveuse a immortalisé notre famille attablée, mais la photo n'est pas de bonne qualité. C'est un beau souvenir malgré tout. Je savais alors que j'avais de la chance, mais j'ignorais quelle chance j'avais alors. Début août, toujours en vacances, la lecture a absorbé mon temps. J'ai lu des témoignages bouleversants de parents endeuillés: par exemple, le livre de Sherri Mandell, The Blessing of a Broken Heart. Je ne partage pas les choix de l'auteure qui vit comme colon et juive pratiquante en Cisjordanie où son fils de treize ans a été sauvagement assassiné par des Palestiniens. Néanmoins je partage sa douleur et admire l'aisance de sa plume. Elle est écrivain de métier et exprime mieux que les autres témoins la souffrance qui accompagne la perte d'un enfant. Au-delà de nos différences, nous faisons partie d'une même communauté, la communauté des cœurs brisés. Evidemment, il y a également un grand nombre de parents palestiniens qui font partie de notre communauté. J'ai lu le livre d'Agnès Favre, L'Envol de Sarah, ceux de la famille Poivre d'Arvor et le témoignage d'Eliane Juillerat Degoumois, Peut-on survivre au suicide de son fils? Je conclus que chaque histoire qui précède un suicide est singulière, d'où d'ailleurs la difficulté de repérer les signes et de prévenir cet acte monstrueux. Les conséquences toutefois se ressemblent: des familles brisées, marquées au fer rouge qui peinent à survivre. D'Agnès Favre je citerai ces phrases essentielles: "Nous ne sommes pas tous des pères et des mères incestueux, alcooliques et violents. Bon nombre de jeunes qui se suicident sont des enfants très aimés. Le suicide des jeunes touche toutes les catégories sociales. Le mal est ailleurs, le mal est sournois, le mal est politique, le mal est économique, le mal est mondial."1
Onze mois après, nous avons survécu l'anniversaire de Tal. Nous survivrons également l'anniversaire de sa mort. Nous avons à nouveau un espoir, nous nous mettons à rêver de jours plus heureux: j'ai appris que j'étais enceinte…
Septembre 2007
1Agnès Favre, L'envol de Sarah, Ma fille: sa vie, son suicide, Max Milo Editions, 2006, p. 188.
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