8 octobre 2021
Pour le trente-troisième anniversaire de mon cher enfant, je n'ai rien écrit cette année. Aujourd'hui pourtant...
Le huit octobre sera marqué au fer rouge jusqu’à la fin de mon existence.
Mon arrière-grand-oncle et mon grand-père étaient tous deux orfèvres. Le premier avait son magasin sur la Königsallee, la Kö, de Düsseldorf et était joailler officiel du Kaiser. Comme mon grand-père s'est brouillé définitivement avec son prédécesseur, il a ouvert une bijouterie à Stettin en Pologne actuelle, et après la guerre, à Cologne, à côté du Dom, plutôt que de reprendre l’affaire florissante de Düsseldorf…
Quel rapport avec le huit octobre ?
À cause de ces deux personnalités, une tradition familiale a été instaurée. Ainsi, à chaque naissance dans la famille, chaque jeune mère reçoit un bijou censé l’accompagner pendant toute la vie de son enfant…
À la naissance de mon cher Tal, j’ai reçu un pendentif orné de filigrane, technique médiévale dans laquelle mon grand-père excellait après avoir restauré des châsses du Dom de Cologne, pillés pendant la guerre.
Je porte ce collier sans discontinuer depuis le fatal 8 octobre qui a bouleversé définitivement ma vie… Je ne l’enlève que lors de certains voyages (de crainte de l’égarer ou de me le faire voler) ou lorsque je dois le faire réparer…
Parfois, on me demande ce que signifient les formes symétriques qui l'ornent. A présent, vous le savez.
À part les souvenirs, c'est ce qui me reste de mon enfant !
Après quinze ans d’absence, je vais bien, merci, sauf lors des anniversaires qui restent tristes et difficiles…
16 septembre 2020
Aujourd'hui, Tal aurait eu 32 ans... Je propose le chapitre de sa naissance.
Une fois de plus, Ewel attendait Yoav impatiemment. Elle tenait dans une main les billets de cinéma et pour calmer son impatience, croquait à l'aide de l'autre une barre de chocolat. Soudain, elle sentit une sensation familière dans son bas-ventre. C'était une douleur sourde, un tiraillement intérieur auquel elle était habituée depuis qu'elle avait l'âge de douze ans. Pas besoin de s'affoler donc. Yoav arriva essoufflé alors que la bande d'annonces publicitaires défilait déjà. Le jeune couple n'eut aucune difficulté à trouver une place dans la salle pratiquement vide.
Lorsqu'ils quittèrent le cinéma une heure et demie plus tard, quelque peu déçus par la comédie à laquelle ils venaient d'assister, Yoav informa Ewel de son intention de retrouver ses amis à son club de karaté. Moins en forme que d'ordinaire, elle préféra rentrer à la maison. Au moment de franchir le seuil de la porte de leur petit deux-pièces, la douleur sourde se métamorphosa en de puissantes contractions.
Prise de panique, elle téléphona immédiatement à la sage-femme de la clinique qui se voulut rassurante ou routinière:
- Calmez-vous, madame! Vous le savez, un premier accouchement dure en moyenne huit heures: si vos contractions ne viennent que de commencer, vous accoucherez demain matin!
- Mais j'ai mal, j'ai peur, je suis seule à la maison!
- Alors, prenez un bon bain chaud. Relaxez-vous, ça vous soulagera! Vous pourrez nous rappeler dans quelques heures.
Ewel fit couler un bain, se glissa dans la chaleur réconfortante de l'eau et respira comme elle l'avait appris aux cours de préparation à l'accouchement avec Madame Nabi. Cette sage-femme d'une grande humanité avait tenu des propos singuliers qui auraient amusé Ewel en temps normal. En effet, elle prétendait qu'on attendait l'arrivée du messie en cet an de grâce mil neuf cents quatre-vingt-huit. Au lieu de lui répondre qu'elle se considérait comme athée, Ewel se mit à imaginer qu'elle était l'élue et qu'elle portait en son sein le rédempteur. A cette pensée farfelue, elle esquissa un sourire rapide. Une douleur violente, insupportable l'arracha à ses pensées insensées. Elle hissa alors son corps lourd et endolori hors de la baignoire, enfila un peignoir et téléphona à son mari:
- Yoav, tu dois rentrer à la maison!
- Laisse-moi encore une petite demi-heure, Ewel, nous sommes en pleine discussion sur l'avenir du club!
- Tu rentres tout de suite! hurla-t-elle, désespérée.
Un peu plus de deux heures après le coup de fil, elle embrassait fièrement et tendrement un magnifique nourrisson chauve à la mine renfrognée et à l'expression fâchée, visiblement irrité d'avoir été poussé hors de son nid douillet par une force qu'il ne pouvait maîtriser. La naissance avait été brutale: Ewel était arrivée à la clinique le col de l'utérus presque complètement dilaté, ensanglantée; le gynécologue avait eu juste le temps de la rejoindre et le bébé était sorti avec une violence, une détermination inouïes: il avait tout déchiré sur son passage. Ses cris, sa taille, son poids laissaient présager un petit garçon en pleine forme que le corps médical ne se lassa pas de complimenter. Lorsqu'on le rapporta à Ewel, elle le salua tendrement:
- Bonjour, Talisman, bienvenue dans notre monde! Qu'est-ce que tu es beau! Allons, chéri, ouvre tes yeux, regarde ton père et ta mère!
Le nouveau-né refusa d'obtempérer. Il garderait ses yeux clos pendant deux jours encore, peu enclin à vouloir découvrir ses parents et le monde qui l'entourait. Fiers, heureux, mais également inquiets face à la tâche qui leur incombait dès lors, Yoav et Ewel vivaient un moment extraordinaire, un bonheur encore jamais connu, jamais égalé. Ewel embrassa son petit qui se blottit sur sa poitrine. Le jeune père fut le premier à revenir à la réalité avec une remarque qui blessa sa femme:
- Au fond, dit-il, un accouchement n'est pas plus difficile qu'un stage intensif de karaté!
Lorsque la nourrice vint chercher l'enfant, la sage-femme demanda à Ewel de se lever pour gagner sa chambre. Celle-ci se dressa avec détermination et s'effondra aussitôt, ses forces l'ayant abandonnée. Une infirmière chercha précipitamment une chaise roulante sur laquelle on l'installa et qu'elle poussa à travers un long couloir où flottait une odeur de lys à cause des nombreux bouquets de fleurs déposés là, pendant la nuit. Cela lui parut étrange, mais la jeune femme imagina à ce moment qu'on la menait à sa propre tombe.
Heureusement, ce n'était qu'une illusion: sa vie continua, celle de Tal ne faisant que commencer. Vers six heures du matin, des hurlements de bébés arrachèrent Ewel de son sommeil superficiel. Surprise, elle dressa l'oreille, elle repéra une voix plus forte, plus grave qui dominait les cris aigus des autres nourrissons. En son for intérieur, elle espéra que ce ne fût pas celle de son enfant. Mais les cris impressionnants s'approchèrent de sa chambre et inondèrent la pièce lorsque la nurse ouvrit la porte. Le bébé remuant, hurleur était bel et bien le sien. Contrairement à la veille, où le petit Tal avait refusé son sein, il se précipita sur son sein et se mit à téter vigoureusement. Elle fut surprise par les contractions douloureuses qu'engendrait l'allaitement. Or, le soulagement de pouvoir calmer le petit était plus puissant que la souffrance physique.
Tal resta à ses côtés dès le premier jour: la famille, les amis honorèrent la mère et le fils de leur visite et de leurs cadeaux. Deux jours plus tard, peu avant midi, le téléphone retentit et une voix inconnue se présenta:
- Bonjour, ici Bernard Mottiez de l'Office d'Etat Civil, votre enfant vient d'être enregistré sous le prénom de Tal; or, nous ne pouvons pas accepter ce nom car il ne définit pas son sexe. Ewel réagit avec étonnement:
- C'est très ennuyeux, c'est le seul prénom que mon mari et moi avons fini par retenir.
Elle n'allait tout de même pas lui expliquer les difficultés qu'ils avaient eues à trouver un nom.
- Vous devrez toutefois choisir un autre prénom ou alors en rajouter un deuxième qui permettra d'identifier le sexe de l'enfant, répéta le fonctionnaire.
- Mais comment? Mon mari n'est pas là et je ne peux pas improviser un nom pour mon enfant toute seule.
- Eh bien! Essayez de joindre votre mari et rappelez-moi au 402828 dès que vous aurez trouvé une solution.
- Une solution, une solution … voilà typiquement une expression de bureaucrate!
Ewel se passa la main dans ses cheveux ébouriffés. Elle regarda son petit dans le couffin transparent et soupira. Elle finit par composer le numéro de leur domicile et fut soulagée d'entendre la voix profonde de son mari qui la rassura aussitôt.
- Pas de problème, on lui rajoute le nom de David, Tal David, ça sonne bien, non?
C'est ainsi qu'après de longs mois d'hésitations, leur petit garçon reçut en quelques secondes le nom d'un grand et terrible roi biblique caractérisé par quatre qualificatifs: courageux, ambitieux, musical et tyrannique. Selon la tradition juive, un changement de nom peut entraîner un changement de destin.
8 octobre 2019
Il
y a exactement treize ans, deux Cassandres ont sonné à notre porte pour
nous annoncer le pire: le décès de notre cher fils, Tal, 18 ans à
peine. Depuis, chaque 8 octobre, j’ai encensé son souvenir. Cette année,
le 8 octobre coïncide avec Yom Kippour. Cette année, ce n’est pas à
lui, mais à mes amis et proches que j’aimerais rendre hommage et
exprimer ma gratitude…
D’abord, merci à Y. qui n’a jamais baissé
les bras, qui avec une force et détermination inouïes a colmaté les
cassures de notre famille brisée. Dès le lendemain de la disparition de
Tal, il a commencé à courir et à travailler sans relâche, certainement
pour fuir et oublier, mais aussi pour ne pas laisser notre maison tomber
en ruines. Pour rester à mes côtés, il a définitivement sacrifié le
karaté, sa passion, et m’a supportée pendant les sombres et
interminables soirs de deuil…
Merci à N. qui avec un courage
admirable a continué ses études, vécu son adolescence et est devenu
l’adulte responsable en train de terminer son doctorat en physique
théorique. Mon souhait serait qu’il s’épanouisse davantage, qu’il
apprenne la légèreté, mais peut-être, c’est trop lui demander!
Merci
à nos familles respectives qui se sont mobilisées sans relâche pour
nous venir en aide malgré les distances que représentent Israël,
l’Allemagne et l’Argentine.
Merci à N., ma belle-sœur, qui m’a
encouragée et soutenue dans l’idée d’avoir encore un enfant et sans
laquelle A. et B. ne seraient peut-être jamais entrés dans notre
vie.
Merci à A., mon amie gynécologue, qui en toute amitié
m’a accompagnée pendant cette grossesse à risque sans ne jamais porter
de jugement.
Merci à E., mon amie et voisine psychiatre, qui m’a veillée lors de graves crises de désespoir…
Merci aux nombreux amis qui ne nous ont pas fuis. Parmi eux, certains
sont venus de loin pour nous apporter leur affection, en particulier,
I. et Y., Y. (et I.), M. et H., E. et T. ainsi
qu’I.. Je ne l’oublierai jamais !
Merci à mes amies d’enfance,
ISACC et à mes amies de toujours,
T., E., C., G. ainsi que celles déjà mentionnées. Vous ne
m’avez pas laissé tomber au pire moment de mon existence!
Merci
aux autres amis, copains, voisins, collègues, membres de la communauté
du GIL et même aux inconnus qui sont venus nous apporter leur soutien.
Veuillez s’il-vous-plaît m’excuser de ne pas mentionner nominalement
tous ceux d’entre vous qui nous ont entourés.
Enfin, merci aux
nouveaux amis rencontrés après la date tragique qui m’acceptent malgré
la déchirure que je porte en moi et que je peine parfois à cacher…
Il y a treize ans, certains d’entre vous m’avaient promis et répété que
la vie me réserverait encore des surprises et des cadeaux : je n’y
croyais pas, mais vous aviez raison ! La vie m’a offert de magnifiques
et vrais moments de bonheur…
On me dit de temps à autre que je suis
forte, c’est complètement faux. C’est la présence dans l’absence, le
soutien moral et physique de mon entourage qui m’ont maintenue en vie, en
tous cas les premiers jours et semaines après Tal: pour tout cela je
vous suis reconnaissante aujourd’hui.
Enfin, pour terminer: tant
pis, pour les soi-disant amis qui nous ont laissé tomber comme des bons à
rien et qui ont définitivement disparu de notre existence… Ils ne sont
pas ici pour me lire !
16 septembre 2019
La principale cause de mon cœur de Takotsubo (coeur brisé), c'est évidemment mon fils
aimé, magnifique, si particulier, Tal. Aujourd'hui, il aurait 31 ans. Je
le rêvais chercheur, professeur, médecin, diplomate ou chef d'orchestre (son rêve d'enfance). Il avait
tellement de qualités. Depuis treize ans, c'est le néant. Or, grâce à
cette application inutile qu'en apparence, je peux me faire une image à
quoi il pourrait éventuellement ressembler aujourd'hui...
8 octobre 2018
Mon cher Tal,
Douze ans que tu nous as quittés ! Penses-tu que je peux oublier… T’oublier ?
Cette année, je suis à nouveau endeuillée. Il paraît que la souffrance suivant la perte d’une personne aimée est le reflet du lien établi avec elle de son vivant. Mon père aimé a été mon modèle, le pilier de mon existence et mon interlocuteur privilégié. Pourtant, sa mort prévisible, à un âge avancé, n’entraîne pas la même souffrance que celle que tu nous as infligée. Ma tristesse et mon calme actuels sont incomparables au tsunami physique, mental et social provoqué par le tremblement de terre de ta mort inattendue… J’ai lu quelque part : « Un suicide n’est pas un crime, sauf peut-être envers ceux qui restent. »
On m’a reproché de mettre régulièrement un cadavre dans l’existence de mes amis… Une à deux fois par année, lors des anniversaires, je m’autorise à me poser et à exprimer, hurler ma douleur et ma révolte… Mes vrais amis me le pardonneront, tant pis pour les autres !
Si la vie avait été normale ou clémente, tu aurais trente ans aujourd’hui. On m’a dit alors, que tu resterais notre éternel adolescent. Ce n’est pas exact : année après année, je t’imagine devenant adulte, terminant tes études, t’installant dans ta vie professionnelle et privée à l’instar de Lisa, David, Jérémie, Mathieu, Valerian et tous tes amis qui réussissent si bien. Évidemment, je n’imagine que le meilleur, le pire est déjà arrivé…
Alors, j’ai envie de crier cette question insoluble, ce mot infantile et vain : POURQUOI ? POURQUOI TOI ? POURQUOI NOUS ?
Puis, après les cris et les sanglots, la raison et le calme reprennent leur droit. Je dois admettre qu’à l’exception du pire, l’existence a été bienveillante à mon égard pendant ces douze années : ton grand-père a vécu huit ans de plus que le pronostic vital de sa maladie; les jumeaux enrichissent notre quotidien ; Naïm réalise tout ce que j’imagine pour toi ci-dessus ; les amis perdus après ton décès ont été remplacés par de nouveaux, de meilleurs ; la maison vit et les accueille ; j’ai visité des contrées lointaines et même terminé une formation d’enseignante de yoga !!!
Ce sont de véritables privilèges comparés aux destins des nombreux humains qui fuient guerres et misère. J’en suis consciente et reconnaissante : au fond, je n’ai pas le droit de me plaindre. Et pourtant, une ou deux fois par année, j’exprime ma peine. Comme disait Christophe Fauré, un de mes consolateurs: «C’est un long travail que d’accepter, finalement, de ne pas savoir.» Je pense que je ne terminerai jamais complètement ce travail…
16.09.2018
Tristes anniversaires
Pour les 30 ans de mon fils aimé, j’avais entrepris d’écrire quelques mots, quelques lignes, pour tenter de le ressusciter, de le réanimer, au moins pendant la durée éphémère de la lecture. Or, l’inspiration me faisait défaut, la fatigue a eu raison de mon intention, la distraction était nichée dans mon esprit. A présent, je connais l’origine de ma difficulté. Après treize ans de lutte acharnée contre un myélome, mon père a rejoint son petit-fils un jour avant l’anniversaire de celui-ci, soit, le jour d’anniversaire de sa propre mère qui aurait eu 116 ans hier… Alors que la disparation de mon fils a été un choc dont je ne suis remise que partiellement, le décès de mon cher père est presqu’un soulagement, malgré l’immense tristesse et la peine qui l’accompagnent. Ainsi les trois personnes dont les liens familiaux me sont les plus proches se retrouvent réunies par la coïncidence des dates. Quelles joies leurs retrouvailles auraient représentées si seulement je pouvais y croire! Alors que là-bas, derrière mon horizon imaginaire, ils fêtent ; ici-bas, nous nous tenons les coudes et versons les larmes face au mystère de leur disparition définitive…
16.09.2017
Tal 29 ans, parti il y a onze ans…
La nouvelle année juive – Rosh Hashana - se fête entre septembre et octobre selon les années en accord avec le calendrier lunaire. En 2017, Rosh Hashana tombe le 20 septembre, quatre jours après l’anniversaire de Tal ! Yom Kippour, le jeûne où les Juifs demandent pardon à ceux qu’ils auraient offensés ainsi qu’à leur Dieu, tombe le 29 septembre. Les jours entre ces deux fêtes sont considérés comme les « jours terribles » - hayamim hanoraïm - pendant lesquels le destin des croyants est décidé par un Dieu juge et tout-puissant. Pendant ces jours fatidiques, les Juifs sont inquiets et prient…
Je ne suis ni juive, ni croyante, mais athée, donc ces mythes ne devraient pas m’affecter du tout, et pourtant…
Entre l’anniversaire de mon cher Tal, le 16 septembre, et la date de sa mort, le 8 octobre, se trouvent trois semaines. Depuis onze ans, ces vingt-deux jours exactement sont devenus « mes jours terribles » : hayamim hanoraïm sheli… Cette période de l’année qui coïncide avec la rentrée scolaire est devenue synonyme de grandes difficultés : de déprime, de manque d’entrain et motivation. Au lieu de fêter les 29 ans de mon cher fils, je me retrouve seule à déplorer sa présence, seule avec ma nostalgie et mon amour avorté, seule avec le stigmate de mère endeuillée par un suicide…
Pourquoi seule ? Le couple parental de Tal existe toujours, mais il est creux, vidé en partie de sa substance affective. Je ne peux par exemple plus partager mes sentiments et émotions avec le père de mes enfants… De peur de souffrir, il s’est emmuré dans le silence et a pris la fuite dans le sport. Mes états d’esprit n’y ont pas leur place. Bizarrement, ses choix et son attitude me laissent indifférente en temps normal. Cette même indifférence ou anesthésie accompagne aussi les moments où je pense à Tal, en dehors de ces « jours terribles ». Tout comme je n’ai eu aucun pouvoir pour empêcher le geste épouvantable de mon cher fils, je n’ai pas le pouvoir pour changer l’attitude de celui que j’ai épousé il y a plus de trente ans.
Or, pendant mes « jours terribles », je deviens vulnérable, ma blessure invisible se réveille et j’ai mal, très mal…
Un suicide transforme la vie des proches pour toujours. Si seulement les candidats au suicide en avaient conscience ! Si seulement cette conscience pouvait les empêcher de commettre l’irréparable… Si seulement, ils étaient… comme les Juifs !
Pendant les « jours terribles » ces derniers souffrent, pleurent, jeûnent, désespèrent, en même temps, ils implorent le pardon de leur Dieu tout-puissant pour pouvoir continuer à vivre, pour ne pas être condamnés. Ainsi, même pendant les yamim hanoraïm, ils gardent l’espoir.
Pour les Juifs, le bien suprême, c’est la vie ! « Qui sauve une vie, sauve l’humanité » est une devise du judaïsme. Cette philosophie admirable me plaît vraiment ! Ainsi, les prenant comme exemple, je continuerai à vivre, sans mon Tal et dépit de mes difficultés…
Et pour ceux qui me rétorquent qu’en Israël, les Juifs ne respectent pas ce qu’ils prônent, je donnerai l’exemple de ces médecins israéliens qui soignent même les blessés syriens – leurs ennemis jurés…
http://lemonde.co.il/2017/08/13/soigner-lennemi/
8.10.2016
Dix ans, cher Tal, mon fils aîné…
Que je te survis avec une blessure invisible,
Que j’emmerde le monde avec ma douleur,
Que je déplore ceux pour qui nous sommes devenus intouchables,
Que je peine à pardonner les incompétents et menteurs
Qui ont précipité ton départ…
Mais, Tal, dix ans…
Pour reconstruire pas à pas une existence digne de sens,
Pour apprécier la bienveillance de nombreuses personnes,
Pour recevoir de la vie des cadeaux inespérés,
Pour aimer ton admirable fratrie…
Dix ans ont passé, Tal,
J’ignore combien il en reste,
Pour continuer,
Pour progresser,
Pour vivre en toute simplicité…
Privée de ta présence aimée.
Cet été dans le ciel sur notre ville, j'ai pensé à toi, mon enfant!
Et l'annonce parue dans la presse locale, samedi:
16.09.2016
Aucun texte pour le vingt-huitième anniversaire de Tal.
En effet, j'ai décidé d'exprimer mon infinie tristesse en images.
Ainsi, j'ai créé un montage vidéo où on voit la mère et l'enfant, iconographie devenue archétype: Marie n'a pas été épargnée en souffrances...
Or, le diaporama était destiné à quelques proches et n'a pas sa place sur ce blog qui reste public malgré mes rares visiteurs.
Merci de votre compréhension!
8.10.2015
Neuf ans ont passé,
Depuis le début de la fin,
Je pleure moins souvent sur ta tombe,
Tu n’y es pas,
Car je t’emporte dans mon cœur
Même en voyage.
Quand la brise me frôle,
Je sens ta caresse,
Quand le soleil m’éblouit,
Je vois ta silhouette,
Les nuages dessinent ton nom,
Le bruit ambiant imite ta voix.
Souvent, je te parle,
Parfois, je te gronde,
Mon éternel ado,
Mais lorsque je t’implore,
Tu estompes ma peine
Et allèges mes difficultés.
Ton souvenir me console
Des lâchetés humaines,
Des déceptions et vains espoirs.
Face à la mort, je suis devenue humble,
Je ne la crains plus,
Car tu es là, mon cher enfant.
Il y a onze ans, Tal avait joué un petit rôle dans Macbeth, est-ce que ces paroles l’avaient inspiré ?
"La vie n'est qu'une ombre qui passe, un pauvre acteur
Qui s'agite et parade une heure, sur la scène,
Puis on ne l'entend plus. C'est un récit
Plein de bruit, de fureur, qu'un idiot raconte
Et qui n'a pas de sens."
La photo le montre dans la pièce jouée dans une forêt pendant son séjour au Canada.
16.09.2015
Les anniversaires sont cruels. Que me reste-t-il à part offrir une bougie pour faire vivre le souvenir de Tal, dix-huit roses rouges pour les années passées à l’aimer et neuf blanches pour les années d’absence ? Dire qu’une des raisons de son départ prématuré a été le fait qu’il n’a jamais rédigé son mémoire de fin d'études au sujet complexe: "Considérations et applications politiques de la théorie de la chute du taux de croissance démographique mondial". Aurait-il prévu la crise des migrants que nous vivons à l’heure actuelle ? Alors qu’au niveau mondial, la démographie continue à croître, avait-il compris que la chute du taux de croissance en Europe aurait des conséquences à court terme ? J’en doute… Son suicide n’était certainement pas lié au contenu de son travail. Par contre, il restera éternellement lié à la menace de son école de le priver de maturité (baccalauréat) s’il ne rendait pas son travail en une semaine…
La lettre de menace adressée à Tal, un des meilleurs élèves de sa volée (5,7 de moyenne générale – sur 6 - et deux extra-muros) qui pour des raisons obscures n’a pas accompli son travail de recherche, cette lettre terrible datée du 4 octobre 2006, nous l’avons trouvée après sa mort, le 8 octobre… Depuis, j’ai eu droit à un petit réconfort : suite à notre drame, un échec au mémoire de fin d'études ne peut plus être la seule raison d’être recalé à la maturité. Le Président du Département de l'Instruction Publique d'alors me l’a promis personnellement et il a tenu promesse. Au moins, la mort de Tal aura servi à cela ! Quant à moi, je continuerai d’allumer des bougies et d’offrir des fleurs aux anniversaires jusqu’au jour où, enfin, je rejoindrai mon enfant aimé…
8.10.2014
Le 8 octobre, il y a 8 ans, notre cher fils Tal, né en 88, s’est levé, habillé, a croqué du chocolat et quitté la maison pour ne jamais revenir : il avait tout juste 18 ans. 18+8 = 26, son âge aujourd’hui ! Tal est mort le 8.10.06, je suis née le 10.8.60… 8 était son chiffre préféré, 8 posé sur le côté donne ∞. Non seulement sa vie n’était pas finie, mais son absence est éternelle et mes interrogations infinies demeurent…
16.09.2014
Aujourd’hui, il y a vingt-six ans, la vie m’a mise face à un défi qui s’est malheureusement avéré impossible à relever. Elle m’a offert un garçonnet affamé de lait maternel, de nourriture terrestre et spirituelle, d’amour et de savoir. Selon les jours, je surnommais mon petit glouton « Bouddha » ou « Talisman ». J’ai tenté d’être à la hauteur de la tâche : malgré mon opération chirurgicale lorsqu’il n’avait pas deux mois, malgré les six ans de nuits privées de sommeil, malgré les années de cris et de crises que tout le lait maternel (pendant neuf mois) et l’amour (pendant 18 ans) que je possédais ne suffisaient souvent pas à calmer. Malgré l’incompétence de l’école et malgré mes propres erreurs, j’ai essayé avec tout mon cœur, mon corps et mon âme d’élever ce magnifique enfant qui m’avait été confié. Avant la naissance de Naïm et des jumeaux, j’avais l’habitude de dire que malgré tout, Tal était ce que j’avais réussi de mieux dans mon existence. Depuis huit ans déjà, il me manque et je continuerai à l’aimer chaque jour, malgré l’absence…
15.09.2013
Demain notre cher fils Tal devrait avoir 25 ans. A cette occasion, il est ressuscité pendant presque cinq minutes. En effet, j'ai demandé à son enseignant de musique qui l’a filmé à l’âge de seize ans et demi (un an et demi avant sa mort) de rendre la vidéo accessible sur YouTube. Tal y accompagne un morceau du groupe espagnol des Ska-p intitulé « Insensibilidad ». Bien que le morceau parle de l’insensibilité des personnes qui abandonnent leur animal de compagnie, je ne peux m’empêcher de penser à l’insensibilité de notre fils qui nous a abandonnés si brutalement. Je n’ai pas pu regarder cette vidéo pendant plusieurs années, à présent, je suis heureuse qu’elle existe bien que Tal y apparaisse un peu taciturne et fantomatique. J’espère que vous la regarderez (jusqu’à la fin) et si le cœur vous en dit : partagez-la...
Merci !
Tomorrow our dear son Tal would turn 25. On this occasion, Tal is resurrected during nearly five minutes. Indeed, I asked his music teacher who filmed him at the age of 16 and a half (one year and a half before his death) to download the video on YouTube. Tal’s playing the drums to a recorded song of the Spanish band Ska-p called “Insensibilidad”. Although the song speaks about the insensibility of people who abandon their pets, it recalls me the insensibility of our son who left us in such a brutal way. For years, I wasn’t able to watch this video, now I’m grateful that it exists although Tal looks rather reserved and ghostly. I hope you’ll watch it (till the end) and if you feel like: share it… Thank you!
17.09.2012
Cher Tal,
Vingt-quatre ans, c'est l'âge que tu aurais dû avoir dimanche seize septembre deux mille douze. Pendant ce weekend d'anniversaire, j'étais en Allemagne pour fêter le mariage de ma plus vieille amie. Oui, bien sûr, tu la connaissais bien. Elle est venue une semaine après ta naissance pour me seconder dans mon rôle de jeune maman. Nous lui avons rendu visite lorsque tu avais trois mois et nous avons passé Nouvel An avec ses amis, mes voisins de table samedi soir... Tu l'as également revue presque chaque année jusqu'à tes dix-huit ans.
Imagine, Tal, au mariage, j'ai bu, mangé, plaisanté, ri et dansé... Seulement à minuit, mon amie a pris le microphone pour nous rappeler que c'était le 16 septembre. Elle m'a offert un magnifique bouquet de fleurs blanches, parmi elles des hortensias blancs, symboles du deuil. C'est la seule fois pendant ce beau weekend que j'ai versé quelques larmes!
Oui, cher Tal, alors que tu ne seras jamais un jeune homme de vingt-quatre ans, notre vie se poursuit. Six ans après ta terrible disparition, notre existence est presque devenue normale. Ainsi hier, à l'aéroport, les jumeaux en m'apercevant ont hurlé mon nom avant de se précipiter en courant dans mes bras. Du coin de l’œil, j'ai perçu le sourire des voyageurs et de leurs proches face à cette scène de bonheur familial. A ce moment, je ne pensais plus à toi.
Pourtant, je t'aime, Tal, tu le sais... et j'aurais certainement préféré que tu sois avec nous.
A bientôt chéri!
16.09.2011
Cher Tal,
aujourd'hui, tu devrais fêter tes 23 ans... enfin, fêter, c'est une façon de parler, toi qui n'aimais pas les fêtes.
Tu aurais bien progressé dans tes études brillantes. Tu aurais de longues conversations à ce sujet avec ton frère qui réussit si bien. Souvent, vous joueriez ensemble à la guitare, à la basse et à la batterie pour vous détendre! Tu te serais rendu aux mariages de tes amis et tu nous aurais peut-être présenté ton premier amour... Nous continuerions à être si fiers de toi...
Seulement, tu n'es plus là, tes anniversaires sont tristes et douloureux, les fêtes sont devenues des cérémonies. Aucun prof ne te félicite plus au sujet de tes résultats et ton frère se bat seul et courageusement sur le chemin des études et de la vie. L'amour tu ne le connaîtras plus. Et nous, nous te pleurons...
Seuls Naïm, admirable, et les jumeaux, ce frère et cette sœur que tu n'as pas connus, nous réconcilient un peu avec notre destin cruel.
Nous continuons sans toi, mais rien n'est plus pareil, l'existence n'a plus la même saveur...
Pourtant, nous ne sommes pas seuls à vivre l'injustice de perdre un enfant aimé. Cet été tu as été rejoint par d'autres jeunes: Angel, Guillaume, Marwrick...
Leurs décès accidentels et injustes me révoltent: la mort devrait être interdite sous un âge donné...
Tu me manques tant mon chéri!
Au revoir Tal!